designer UI/UX et graphique
Google Lens est une technologie de reconnaissance d’images qui permet, à l’aide de la caméra du smartphone, d’analyser son environnement. Google Lens scrute donc l’environnement et l’analyse par un prisme pragmatique et publicitaire, puisqu’elle peut notamment proposer à l’achat les objets qu’elle reconnaît.
L’intelligence artificielle de Google Lens est très performante et rationnelle, et j’ai souhaité l’investir d’une intention irrationnelle pour créer un contraste entre haut degré de technicité et irrationnel, et ainsi un objet d’interrogation.
Ma version de l’application utilise son savoir et sa capacité de calcul pour surinterpréter l’environnement, rendre visible l’invisible, en s’inspirant de pratiques divinatoires comme la chiromancie ou la cafédomancie. L’assistant numérique devient un filtre du quotidien, interprétant le monde pour tout rapporter à l’usager qui le questionne. Ici l’assistant prend parti de ses capacités d’analyse des signes pour fournir des interprétations irrationnelles.
Incuba est un masque de nuit connecté qui permet, par l’analyse des rêves de révéler son “moi profond”. Après une nuit de sommeil le masque analyse nos rêves et tire une image de notre identité substantielle, puis suggère différentes actions à réaliser dans le champ numérique pour s’aligner sur ce “moi”.
J’ai conçu ce service dans le but de questionner des pratiques pas si éloignées de la réalité actuelle. Cela interroge un rapport de délégation que l’on entretient avec nos dispositifs numériques, mais aussi un rapport d’exposition totale qui met en lumière une volonté de contrôle total de soi lié à un idéal d’authenticité et de pureté de plus en plus présent dans nos usages numériques. Le masque Incuba est l’image d’un inconscient connecté.
Cette série de portraits est une expérimentation plastique autour de l’hybridation entre les signes de la reconnaissance faciale et des signes ésotériques.
Dans mon mémoire j’ai analysé les assistants vocaux comme des assistants à la construction de soi, bénéficiant d’une aura de “magie blanche”, c’est-à-dire lisse, sans friction, qui est opaque et qui engendre une perte de pouvoir de la part de l’usager. Je propose de questionner les modes d’interaction avec nos assistants pour opérer un glissement dans la relation qu’on entretien avec eux : l’appropriation des technologies numériques correspond à une repossession de soi.
Assistant réfractaire
Dans cette première expérimentation je crée un assistant réfractaire qui rompt la fluidité et l’immédiateté de l’interaction en questionnant les ordres qui lui sont donnés. Basé sur ELIZA, le chatbot de Joseph Weizenbaum qui simule un psychothérapeute rogérien, les interrogations de l’assistant exigent de l’usager une réflexivité sur sa pratique.
Invocation, cérémonie
Je souhaite amener de la gestualité dans le processus de communication avec ces dispositifs, qui est caractéristique des pratiques magiques. Ces gestes performatifs amènent moins d’efficacité et d’immédiateté que l’interaction vocale. Ils permettent donc une prise de recul, et par la formation d’un langage moins automatique et intégré que la parole, ils permettent une prise de conscience de la nature de son interaction.
J’ai formalisé cette expérimentation en demandant à des camarades de “configurer” les gestes pour leur google home, et ainsi voir différents niveaux de réappropriation, mais aussi en intégrant des objets, comme des éléments chargés de pouvoir, qui par leur aspect brut évoquent une magie plus noire qui contraste avec la google home, et qui ajoutent davantage de friction.
Invocation, gestuelle
Dans cette expérimentation plastique j’ai souhaité investir la figure du miroir qui est à la fois symbolique de l’identité, d’une introspection mais qui évoque aussi l’écran qui nous reflète. J’ai conçu une série de miroirs magiques/connectés qui questionnent la figure du double et de la prédiction numérique.
Ce premier miroir est un miroir de divination qui brouille les frontières entre code du magique et prédiction numérique. Il est un assistant à une introspection. Comme un oracle, le miroir n’offre qu’une réponse partielle, qui laisse la place au questionnement personnel et à l’interprétation.
Ce deuxième miroir offre une expérience brève, l’espace d’un instant, il transpose par l’image votre intériorité. On assiste à une révélation de soi, dans la symbolique de miroir magique ce qui apparaît dans le miroir est le reflet de la vérité, de l’intériorité.
J’ai expérimenté une série d’objets intermédiaires qui sont des plugs ou greffes pour smartphone. Dans les pratiques magiques l’objet intermédiaire est primordial, c’est celui par quoi passe le pouvoir, par exemple la baguette magique. Ces objets sont des protocoles de connexion avec l’invisible. Ils captent le vent, les courants, les énergies et brouillent ou révèlent notre identité et nos usages numériques.
Le predictshell est un objet intermédiaire, une greffe que l’on peut apposer à son smartphone. En tant qu’objet technomagique il va faire le lien entre l’usager et les mécanismes algorithmiques internes du smartphone. Une fois la connexion faite, tendez l’oreille, et vous pourrez entendre s’échapper du coquillage des enchaînements de mots, parfois des phrases, voire des poèmes ou des chants, qui cachent en eux une vérité sur votre être.
La greffe n’invente rien, elle n’est pas la productrice du contenu mais plutôt une traductrice. Elle récupère les algorithmes de prédiction/recommandation, les données de l’usager ainsi que les modèles de personnalisation, qui forment une matière riche pour la compréhension de son identité. Mais plutôt que de délivrer ces informations de manière lisse mais insidieuse, le predictshell prend le parti de livrer ce contenu au compte goutte, de manière crytpique, à la façon d’un oracle. L’usager n’est plus consommateur passif, et la version numérique de son identité qui est construite par la machine lui est livrée de façon à ce qu’elle puisse être analysée, décortiquée, questionnée.
Le poétistick est un objet intermédiaire, une greffe que l’on peut apposer à son smartphone. Il capte les flux invisibles de son environnement qui vont ensuite brouiller les applications du smartphone, notamment les interfaces de conversation.
Actuellement, les interfaces de conversation proposent un langage personnalisé, par le biais des suggestions textuelles ou de l’autocomplétion. Ce langage suggéré a pour objectif de faciliter l’expression de l’usager, par des mots qui correspondent à sa façon de parler et d’être. Ce langage suggéré se nourrit et alimente notre identité.
Le poétistick pousse cette proposition encore plus loin. Dans le paradigme de la magie, l’être est lié au monde, il est donc possible de lire l’individu dans son environnement. Le poétistick lit l’individu dans les flux qu’il capte puis suggère un langage, plus juste, en osmose avec l’individu : un langage poétique. Le langage poétique s’apparente à la magie, il est une évocation, un langage non pas analytique mais intuitif et sensible.
Suggestion d’un langage poétique, d’émojis poétiques, reflets de la relation de liaison au monde de l’usager.
Gradation de la suggestion poétique : lorsqu’on appuie toujours sur la suggestion du milieu, une phrase se forme. On arrive à une forme d’écriture automatique. Avec l’écriture automatique on atteint une nouvelle tension, entre langage délégué à quelque chose de plus grand, et expression inconsciente de son intériorité.